Les Jeux mondiaux nomades

Au Kirghizistan, dès que vous annoncez que vous êtes Français, les gens vous parleront volontiers de foot. Les jeunes génération énuméreront tous les joueurs de l’équipe nationale de 2018 avec enthousiasme, les moins jeunes évoqueront Zidane avec émotion. Mais ici, le roi des sports n’est pas le football. Dans un pays où l’on apprend à monter à cheval avant même de savoir marcher, c’est le kok-borou qui domine – et nous avons passé bon nombre de nuits en yourte à regarder ces vidéos où, sur fond de musique épique, des chevaux se heurtent aussi violemment que leurs cavaliers.

Le Kok-Borou

Le kok-borou est un sport largement répandu en Asie Central (avec parfois quelques variations de règles et de nom). Connu depuis l’époque zoroastrienne (soit depuis plus de 2 500 ans), il est classé au patrimoine mondial de l’Unesco. Le concept est assez simple : deux équipes de cavaliers cherchent à s’emparer d’une carcasse de chèvre sans tête et à la lancer dans le kazan (qui signifie « chaudron » et qui est une sorte cratère) de l’adversaire. Un lancer réussi équivaut à un point.  

Le jeu est brutal – et encore, il faut savoir que les règles ont été adapté au fil du temps pour le rendre plus pacifique. La carcasse pèse près de 35kg et les cavaliers n’hésitent pas à lancer leurs chevaux à pleine vitesse contre ceux de leurs adversaires pour les déséquilibrer. En ce qui concerne les but, les joueurs plongent le plus souvent dans le kazan avec la carcasse – et parfois même avec leurs chevaux. A côté, le football parait bien gentillet.

Le nom kok-borou signifie « loup gris » en kirghize. Une légende veut qu’à l’origine, ce jeu ait été joué par les nomades avec une tête de loup – tête qu’ils exposaient ensuite aux portes de leurs camps pour effrayer les meutes de loups. Au-delà d’un simple jeu, le kok-borou était une manière d’évaluer les aptitudes guerrières des joueurs et des chevaux.

Les jeux mondiaux nomades

Le kok-borou est le plus connu des jeux nomades, mais il est loin d’être le seul. En 2012, le gouvernement kirghize s’est lancé dans la valorisation de la culture nomade et de ses sports en créant les Jeux mondiaux nomades, une compétition sportive internationale consacrée aux sports d’Asie centrale. Le lieu ? Tcholpon-Ata, un plateau à plus de 2 000 mètres d’altitudes sur les rives du deuxième plus grand lac du monde, le lac Issyk-Koul (Kirghizistan). La date ? la première semaine de septembre, tous les deux ans.

La première édition, en 2014, avec un budget de 2 millions de dollars,  avait ainsi rassemblé 19 pays, dont bien entendu le Kirghizistan, le Kazakhstan, la Turquie et la Russie. Au programme, une dizaine d’épreuves sportives (luttes, tirs, courses, etc.) mais aussi de dressage (fauconnerie, lévriers, etc.) et de stratégie (osselets, etc.). 250 journalistes font le déplacement pour couvrir l’événement.

La seconde édition, en 2016, pour 3 millions de dollars, a vu encore plus grand : 63 pays – dont la France ! – ont répondu présent pour 23 disciplines. C’est un succès : la cérémonie d’ouverture est vue par plus de 800 millions de personnes à travers le monde et l’événement en lui-même attire près de 60 000 de visiteurs étrangers.

La dernière édition en date, en 2018, confirme ce succès. 2 000 athlètes (contre 583 en 2014) de 77 nations sont venus disputer 36 sports, parfois très éloignés de leurs pratiques nationales, comme le tir à l’arc à dos de cheval. La compétition s’est cependant ouverte à de nombreux sports des pays alentours, comme le sumo ou le bras de fer.

Un événement culturel, économique et politique

Comme tout événement sportif, les Jeux mondiaux nomades sont hautement politiques. Pour des pays peu connus au niveau international, ils sont l’occasion de célébrer les modes de vie nomades, encore largement répandus en Asie centrale et notamment au Kirghizistan, d’attirer des touristes et de contrebalancer l’hégémonie culturelle et sportive occidentale.

A cet égard, le comité organisateur revendique trois objectifs : sportif, culturel et scientifique. Si le premier est évident, le second se concrétise dans un programme culturel très riche en marge des épreuves sportives, avec de nombreuses représentations de danse, de chants, de récits épiques (pratique très importante en Asie Centrale et sujette à concours), etc. Un ethnovillage se charge de présenter les savoir-faire locaux tels que la fabrication des yourtes, du pain plat, l’art du tapis en feutre, la nourriture locale, etc., souvent inscrits au patrimoine mondial de l’humanité. D’ailleurs, la cuisine nomade et le montage de yourte ont droit à leur propre compétition.

L’objectif scientifique passe quant à lui par un travail de documentation et d’explication des modes de vie nomades, encore peu connus à l’étranger. Plusieurs conférences et séminaires sont ainsi organisés.

Les Jeux mondiaux nomades sont également un outil économique, dans une dynamique d’essor du tourisme pour un pays qui a mis fin aux visas pour les Français en 2012 et qui a accueilli plus 1,3 millions de touristes étrangers en 2017.

Sources :
Site officiel des Jeux mondiaux nomades de 2018 (en anglais)
Banque mondiale

La gestion des déchets au Kirghizistan

Anciennement membre de l’URSS, le Kirghizistan se situe entre la Chine, l’Ouzbékistan, le Kazakhstan et le Tadjikistan. Ça fait beaucoup de pays en -stan. Quand on n’a jamais mis les pieds en Asie Centrale, on ne sait pas trop à quoi s’attendre de la part de cet ancien pays soviétique. Comme pour ses voisins, la chute de l’URSS a créé beaucoup d’instabilité dans le pays, et comme ses voisins, le Kirghizistan s’efforce d’adresser les questions économiques, sociales et environnementales auxquelles il fait face.

La prise en compte des questions environnementales

Le Kirghizistan est un pays très montagneux avec une forte dominance rurale. Dans les grandes villes comme Bishkek, la capitale, Karakol ou Osh, on aperçoit les montagnes aux sommets enneigés qui ne sont qu’à quelques kilomètres. Lorsqu’on voyage d’une ville à l’autre, ce n’est qu’une succession de montagnes de toutes les couleurs où des troupeaux de vaches, moutons, chèvres et chevaux paissent en liberté. D’ailleurs il n’est pas rare de les retrouver sur la route et même parfois sur l’autoroute. Et c’est normal. Au loin, on aperçoit quelques fois un cavalier solitaire sur une crête. C’est beau, c’est vert, c’est paisible et serein. Et les gens sont incroyablement gentils.

Les fabuleuses montagnes d’Alay. Ce ne sont même pas les plus belles…

Dans un pays où la nature est si belle et si prépondérante pour l’économie du pays, on commence déjà à percevoir les effets du réchauffement climatique sur les écosystèmes (sécheresse, inondations… la liste commence à devenir longue). Mais au niveau politique, on constate une prise de conscience progressive sur les questions environnementales. Les écoliers ont des cours sur l’environnement ; les nombreux CBT (Community Based Tourism) ont parmi leurs missions celles de protéger la nature, notamment des déchets, et d’éveiller les consciences locales sur l’intérêt de conserver l’intégrité de leurs paysages ; le gouvernement va expérimenter l’interdiction des sacs plastiques dans l’une des provinces du sud…

Panneau que l’on trouve près de « la petite cascade » à Arslanbob

La gestion des déchets, un enjeu politique, économique, social et environnemental

La volonté politique de développer le tourisme et les considérations économiques et sociales liées à la protection de l’environnement ont fait de la gestion des déchets, que ce soit dans les aires urbaines ou dans les aires rurales, l’une des problématiques les plus porteuses d’enjeux du pays.

Bien gérer ses déchets pour le Kirghizistan, cela signifie une meilleure qualité de vie pour les citoyens, encourager le tourisme, éviter les soucis sanitaires d’ampleur comme le développement de maladies, les contaminations, les pollutions, etc.

Entre le rural et l’urbain ; entre secteur formel et secteur informel

Pour ce qui est des zones rurales, il y a très peu d’équipements en place. Toutefois, des mesures ont été prises pour encourager les individus à mieux prendre en charge les déchets qu’ils génèrent. Dans les zones touristiques par exemple, on peut trouver quelques poubelles au niveaux des zones de campements, mais la plupart se trouvent en haute altitude où il n’y a pas de système de ramassage des déchets. Les propriétaires ou exploitants des campements sont incités à réaliser eux-mêmes ce ramassage. Mais il n’est toutefois pas rare qu’ils préfèrent enterrer les déchets à la fin de la saison. Dans le cas où les autorités le découvriraient, ils seraient soumis à une amende.

C’est pas jolie…

La gestion des déchets au niveau des aires urbaines est plus complexe. A l’instar de la plupart des pays en voie de développement, le Kirghizistan compte sur le secteur formel autant que sur le secteur informel.

Le secteur formel fonctionne globalement sur les mêmes modèles que dans les pays développés : les autorités ont besoin de financement afin de mettre en place les systèmes de gestion des déchets (prévention, collecte, traitement). Il ne peut y avoir de financement privé que dans la mesure où des retours sur investissements sont possibles.

Chacun de ces systèmes doit être adapté aux particularités géographique, sociales, culturelles etc. de la ville sous peine de ne pas être efficient. Prenons l’exemple de Bishkek, la capitale. La collecte souffre des infrastructures soviétiques, basées sur un modèle de collecte quotidienne : les poubelles sont petites et doivent être vidées tous les jours. Collecter moins souvent signifierait donc investir massivement dans les infrastructures de la ville. Un autre problème est la qualités des routes dans certaines zones, qui complexifie le passage des véhicules. Pour ce qui est du traitement, il n’y a pas de système automatique de triage des déchets : tout termine dans la décharge, à l’extérieur de la ville. Il existe des entreprises spécialisées, publiques ou privées, qui se rendent sur site pour prélever les matériaux recyclables mais la quantité de déchets est telle dans la décharge de Bishkek que la majorité sera laissée telle quelle.

C’est là que le secteur informel entre en jeu

Ce secteur informel est composé principalement d’individus pauvres qui recherchent un complément de revenus, agissant parfois en groupes plus ou moins structurés. Ils cherchent, trient et prélèvent des matériaux recyclables directement dans les poubelles ou même jusque dans les décharges, qu’elles soient officielles ou sauvages, pour les revendre ensuite aux entreprises qui vont les traiter et les revendre. Les ménages les plus organisés peuvent également faire appel à eux s’ils ont accumulé assez de déchets « précieux ».

L’importance du secteur informel dans la gestion des déchets n’est pas à négliger, bien qu’elle ne soit pas prise en compte dans les chiffres officiels. Selon les estimations, si on le prenait en compte, le taux de recyclage du pays serait similaire à celui des pays développés. Par ailleurs, si les villes devaient soudainement prendre en charge le travail accompli par le secteur informel, les investissements nécessaires seraient exorbitants et très difficiles à mettre en place sur une courte période, que ce soit en terme économique ou logistique.

La volonté politique est là

Ce système, reposant sur une coopération de fait des secteurs formel et informel a ses limites. Pour y remédier, les autorités municipales et nationales investissent progressivement pour créer ou améliorer les infrastructures et les systèmes existants. C’est le cas de Bishkek qui a investit sur les infrastructures de sa décharge. Mais faute de financement, les équipements ne sont pas encore à la hauteur des besoins de la ville selon les standards européens, par exemple en terme de triage automatique. Mais la volonté politique est là. L’optimisme nous dit qu’on est sur la bonne voie.

Longue vie au Kirghizistan et aux Kirghizistanais!

PS : En français : Kirghizistan ; en anglais Kyrgyzstan. Les habitants du Kirghizistan sont les Kirghizistanais (malgré ce que prétend notre correction automatique) et les Kirghizes sont les membres de l’ethnie kirghize. On pensait que ça méritait précision.

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