Vous prendrez bien un peu d’opium?

En Iran on peut trouver de l’alcool. Mais il faut connaître quelqu’un qui connait quelqu’un qui connait quelqu’un, et y mettre le prix. Un intrépide se risquera à tester « l’alcool maison » d’un ami d’un ami d’une connaissance, mais cette histoire se termine à l’hôpital par une discussion passionnée entre intrépide, médecins et autorités sur les circonstances à l’origine de tels taux de méthanol dans le sang.

Mais l’Iran, ce beau pays construit sur la contradiction, ne laissera pas l’intrépide se morfondre en situation de triste sobriété ou de terrible manque. C’est ainsi que tout naturellement, l’intrépide toxicomane se verra proposer, à plusieurs reprises, du haschich et de l’opium.

Et ça l’étonne.

Il s’imagine que dans la République Islamique d’Iran, si on ne plaisante pas avec l’alcool, on ne va certainement pas plaisanter avec des drogues comme le haschich ou l’opium. Mais on lui en a proposé. Une fois. Deux fois. Trois fois. L’intrépide est dérouté. Surtout par rapport à l’opium qui lui évoque de vagues images de bordels asiatiques de la fin du siècle dernier, de lampions éclairant d’une lumière rougeâtre les volutes de fumées qui s’échappent d’entre les tentures et des hommes décharnés, atones.

L’intrépide est saisi d’une crise de paranoïa. Est-ce un piège? La police à l’affut se cache-t-elle derrière la tenture du fond, prête à surgir après la première bouffée coupable qu’il aura tiré?  Ou bien l’opium serait-il vraiment toléré comme on le lui affirme?

Une fois n’est pas coutume, la réponse à cette interrogation peut être résumée de façon binaire selon les protagonistes en jeu. Pour les nomades, il s’agit d’une drogue traditionnelle et dont personne ne s’émeut. La police, à l’inverse, s’en trouvera tout particulièrement émoustillée.

Explications

En tant que drogues,  le haschich et l’opium sont interdits en Iran, mais sont relativement tolérés – par la population s’entend, parce que l’Etat, lui, prévoit jusqu’à la peine de mort. Cela s’explique notamment parce que ces drogues sont présentes depuis longtemps dans l’histoire du pays. Par exemple, la célèbre secte des Assassins du XIIIème siècle recluse dans la vallée d’Alamut, consommait du haschich pour se donner du courage avant de commettre des assassinats politiques – d’où le mot assassin, qui vient de Hashâchine. Pour ce qui est de l’opium, l’industrie pharmaceutique utilisant beaucoup les opiacés, l’Iran a dû se positionner en tant que pays producteur ou non, avec les conséquences économiques et sociales que cela implique.

Parce que nous avons été plus surprises de se voir offrir de l’opium que du haschich nous nous sommes penchées sur la question de l’opium en laissant de côté celle plus conventionnelle du haschich.

Au XIX siècle, répondant à la demande croissante de l’industrie pharmaceutique, l’Iran se positionne en pays producteur d’opium. Ce dernier se répand et se popularise au sein du pays. On commence à ouvrir des « maisons de traitement » et l’opium devient la réponse à toutes sortes d’afflictions, notamment les douleurs. Mais à mesure que l’opium devient populaire, son usage récréatif commence lui aussi à croître, et il n’est pas mal vu de prendre un thé ou un café infusé à l’opium.

Dans un souci de modernisation et d’assainissement du pays, les constitutionnalistes sont en 1911 à l’origine des premières lois anti-drogues à destination des consommateurs. Leur but est de « nettoyer » les villes des toxicomanes. Des fumeries commencent à fermer, la police fait des descentes dans les laboratoires clandestins…

En 1955, le gouvernement décide d’interdire culture et consommation d’opium, ce qui ne se fait pas sans répercussions. Premièrement d’un point de vue économique, le pays perd des revenus importants en ne fournissant plus l’industrie pharmaceutique. Le manque à gagner est chiffré à 400 000 dollars par tonne d’opium. Deuxièmement, malgré la répression, les toxicomanes s’approvisionnent sur le marché noir, notamment afghan, via les nomades qui transitent entre les deux pays.  Les fournisseurs exigent d’être payés en or, ce qui entraîne une fuite de devises.

Enfin, certains opiomanes font le choix de se tourner vers d’autres drogues, notamment l’héroïne, issue elle aussi du pavot et dont la consommation, ne nécessitant ni matériel ni rituel, est plus discrète. La consommation d’héroïne augmente singulièrement à partir de cette période.

En 1969, principalement pour des raisons économiques et géopolitiques, la culture de l’opium redevient légale, de même que son usage règlementé : les opiomanes « reconnus » de plus de 60 ans peuvent se fournir en pharmacie avec une carte issue du gouvernement. En théorie. En pratique, le coût, les conditions d’obtention ainsi que d’utilisation de cette carte étant rédhibitoires, la plupart des toxicomanes continuent à se fournir sur le marché noir.

Avec la révolution islamique de 1979, la chasse aux substances controversées est ouverte, l’opium redevient totalement illégal, mais la répression est plus particulièrement concentrée sur l’alcool. L’opium, comme l’alcool, est perçu comme un marqueur de l’occidentalisation rejetée par la révolution islamique. Les élites urbaines sont particulièrement suspectées d’être consommatrices et la sphère publique comme la sphère privée (à l’intérieur des habitations) font l’objet de descentes.

Aujourd’hui

Aujourd’hui, l’Iran n’est plus un pays producteur d’opium, et la substance demeure interdite. Mais l’Afghanistan, premier producteur mondial, alimente le marché noir européen et fait transiter sa marchandise par l’Iran. Une grande partie de l’opium en provenance d’Afghanistan n’ira toutefois jamais plus loin que l’Iran.

Mais si l’Iran reste un grand consommateur d’opium, d’autres drogues sont arrivées sur le marché, et le trafic de stupéfiants constitue un problème public de grande ampleur qui concerne les classes aisées au même titre que les classes pauvres et très pauvres (délinquance, maladies, conséquences socio-économiques au niveau de l’individu et du noyau familial…). A tel point que le gouvernement, en plus de sa politique répressive (explosion du nombre d’arrestation liées aux stupéfiants, peines répulsives dont la peine capitale), a mis en place des mesures préventives de santé publiques particulièrement progressistes. Entre autres mesures, la distribution de seringues pour éviter la propagation de maladies comme le VIH, la possibilité de se fournir en pharmacie en méthadone de substitution pour gérer la douleur et le manque…

Malgré toutes ces informations et la nonchalance que témoignent ses hôtes, l’intrépide préfère se montrer prudent et rester dans les limites de la légalité iranienne. Il refuse poliment les offres qui se succèdent – on ne sait jamais.

Sources :

Ghiabi, Maziyar. « Drogues illégales et gestion de l’espace dans l’Iran moderne », Hérodote, vol. 169, no. 2, 2018, pp. 133-151. https://www.cairn.info/revue-herodote-2018-2-page-133.htm

Mark Isaacs – Smoking Opium in the islamic republic of Iran

Les portes à deux heurtoirs

WTF Iran #2

Vous voilà arrivé à Yazd, dans la vieille ville. C’est très beau, surtout l’hôtel où vous avez décidé d’élire domicile pour quelque jours . Il y a une grande cour intérieure avec une fontaine bleue, des arbres et des fleurs, des petits oiseaux… Il y a même une wind tower en accès libre et gratuit ! Et voilà une visite en moins! Vous vous félicitez de votre choix judicieux, et vous avez raison. Comme d’habitude.

Grand prince que vous êtes, vous ne vous vexez même plus lorsqu’un autochtone n’arrive pas à se souvenir correctement de votre nom. Vous avez trouvé une parade infaillible : aujourd’hui vous êtes Jean. Juste Jean. Et Jean, c’est facile à retenir et à prononcer. Et vous avez vérifié : ça ne veut rien dire de spécial en farsi.

Dans votre fabuleuse petite cour intérieure, où le thé est lui aussi en accès libre et gratuit, vous rencontrez un hybride : moitié touriste – moitié local, il parle presque couramment le farsi et vous le voyez soutenir des conversations avec des autochtones et s’obstiner en farsi, même lorsque l’interlocuteur s’essaie à l’anglais. Vous êtes impressionné mais n’en laissez rien paraître. Il a l’air gentil. Vous avez envie d’aller lui parler. Il pourrait vous aider à aller faire quelques emplettes, il doit connaître les chiffres farsi. Vous avez toujours un peu de mal avec les rials et les tomans, et les taux de change de marché et de banques vous donnent toujours la migraine… Cet hybride pourrait constituer un atout non négligeable dans cette ville. Vous allez lui parlez.

Vous avez eu raison d’aller lui parler, cet hybride est tout à fait fréquentable et connaît bien la ville et les nombres. Vous partez donc faire des emplettes ensembles. Il vous emmène dans un dédale de petites rues étroites dont les murs des maisons sont en adobe, le torchis local. Il fait beau. Vous vous sentez bien. L’hybride vous raconte quelques anecdotes. On dirait le guide de la maison historique de Kashan, mais en moins présomptueux. Lui n’essaie pas de montrer qu’il sait mieux tout que tout le monde.

Il est sympa cet hybride. Sur cette pensée, vous vous apprêtez à lui demander son prénom. Ca fait au moins cinq heures que vous avez fait connaissance, vous pensez être devenu suffisamment familier pour lui demander son prénom. Il ne vous trouvera sans doute pas trop téméraire étant donné qu’il est hybride. Mais l’hybride vous prend de court

« Jean, as-tu remarqué cette porte? Elle a deux heurtoirs différents. Il y en a un peu partout dans les vieilles villes. As-tu remarqué ? « 

Une vieille porte perse à deux heurtoirs, sur un mur en adobe.

Vous ne savez pourquoi, mais soudainement l’hybride vous agace et vous n’avez plus envie de lui demander son prénom. Si vous n’avez rien remarqué, c’est parce qu’il n’arrête pas de parler. Vous étiez poliment concentré sur ses paroles et non sur la porte des maisons. Vous prenez une grande inspiration pour vous calmer. Ça fonctionne, vous vous détendez. Ces deux dernières semaines à pratiquer 5 minutes de méditation par jour portent déjà leurs fruits. Mais c’est aussi parce que vous apprenez sacrément vite.

Vous souriez, un peu crispé tout de même, et demandez aimablement ce qu’il y a de si extraordinaire avec ces heurtoirs. L’hybride ne remarque pas que la tension est montée d’un cran et ne se départit pas de sa verve.

« Jean, ouvre tes yeux, tu ne vois rien! »

Grand dieu, 5 minutes de méditation ne seront jamais suffisant pour supporter pareille attaque! Vous réfléchissez rapidement à le pousser sous les roues de la voiture qui arrive derrière vous. La rue est à peine assez large pour la voiture, impossible de se rater. L’hybride, qui visiblement n’observe pas si bien que ça, continue.

« Il y a un heurtoir destiné aux visiteurs hommes uniquement, l’autre pour les visiteurs femmes, chacun produisant un son différent. De cette façon, lorsqu’un visiteur utilise le premier, c’est un homme qui va ouvrir et le visiteur mâle s’en va converser avec les individus de son genre. Quand c’est l’autre heurtoir, celui dédiée aux visitrices qui est utilisé, alors c’est une femme qui va ouvrir. »

L’hybride n’est pas très bon en français. Vous alliez le lui faire remarquer mais il continue.

« Cet ingénieux système vise très certainement à enforcer les règles de bienséance et éviter quelques malentendus entre les habitants de la maisonnée. Mais bien sûr, les amoureux trouvent toujours à contourner les règles! Ainsi, lorsqu’un jeune homme veut rendre visite à sa dulcinée, ils conviennent d’une heure en se rencontrant discrètement par hasard au bazaar. A l’heure dite, l’amoureux utilise le heurtoir des femmes. Sa fiancée se précipite alors pour lui ouvrir et ils peuvent se faufiler, incognito dans quelque pièce isolée de la maison afin de vaquer à leurs affaires d’amoureux ».

La voiture est passée. Aucune autre à l’horizon. Vous pousserez l’hybride la prochaine fois. Vous lui souriez innocemment. 

Les wind towers ou la climatisation du désert

L’Iran est un pays splendide et composite. C’est à peu de choses près comme ça que nous décrivons ce pays à nos amis et notre famille. L’exemple que nous prenons généralement, parce qu’on radote, c’est lorsqu’on traverse un désert en voiture et qu’on aperçoit au loin les montagnes enneigées. A peine avons-nous le temps de nous en émerveiller que le désert cède la place à d’imposants canyons presque sortis de nulle part, les sommets enneigés toujours au loin. Puis de la steppe. Et aussi soudainement, on est dans la montagne, dans un petit village creusé à même la roche, rouge. C’est beau et c’est grandiose. On ne s’y attend pas. C’est l’Iran.

Star Wars ?

Les villes ne sont pas en reste. Ça fourmille dans les rues, la circulation est toujours impressionnante, les boutiques, petites, mais fournies, sont toujours pleines de monde. En contraste de ces lumières, de ce monde et de ce bruit, on s’émerveille devant la majesté des maisons historiques en briques ou en adobe, des jardins, des mosquées anciennes et de leurs minarets, des « Wind Towers » qui déchirent l’horizon…

La Wind Tower, « badgir » en farsi, littéralement attrape vent est l’un des exemples les plus fameux de l’ingéniosité perse pour ce qui est de la gestion de la chaleur. Désert oblige. Elles ressemblent à une sorte de grande cheminée, la plupart du temps carrées ou octogonales et percée de fentes à leur sommet. Le principe est de capter le vent au sommet de la tour depuis les fentes, de le redistribuer en bas, refroidi et d’évacuer l’air chaud accumulé dans la pièce où la tour est située. Ce système est utilisée pour refroidir les maisons, les mosquées, mais aussi les réservoirs d’eau de la ville. L’eau en resterait presque glacée pendant les mois d’été. Le touriste suspicieux de la grandiloquence de son guide reste dubitatif. Mais il s’incline lorsqu’il pénètre dans une pièce alimentée par une wind tower et remet aussi vite sa petite laine. A croire que toutes ces tours qu’il a pu voir n’ont finalement pas été un caprice devenu à la mode d’un obscur Khan.

Comment ça fonctionne?

Tout est une question d’architecture, pour capter le vent et le diriger.
Et de pression, pour faire circuler l’air.
Et de matériaux, pour limiter la transmission de chaleur.

La tour est séparée en différents conduits où circulent l’air chaud ou froid. A son sommet, elle est ouverte en fentes légèrement obliques ce qui permet d’attraper le vent et de le rediriger vers le bas. Même lorsqu’il n’y a que peu de vent, la différence de pression entre l’air chaud et l’air frais permet la circulation de l’air via les différents conduits qui séparent la tour : l’air chaud remonte, l’air frais descend. Lorsqu’il n’y a pas de vent, l’air contenu dans la tour se réchauffe, donc remonte, ce qui créée un appel d’air qui ventile la pièce où se trouve la tour.
Par ailleurs, la tour est construite en une sorte de torchis appelé adobe, mélange de terre, argile, sable, fibre naturelle. Ce matériau, à la différence par exemple de la pierre ou du métal, conduit mal la chaleur.
Souvent, on rajoute un bassin au pied de la tour pour refroidir encore davantage l’air chaud, la plupart du temps rempli par un qanat. Un qanat, c’est un très ancien système de canalisation souterraine qui récupère l’eau des montagnes et l’achemine jusque dans le désert. L’eau est très fraîche puisque jamais en contact avec le soleil.
En agrégeant le froid, notamment la nuit, l’eau permet de refroidir l’air chauffé par le soleil de la journée.

La climatisation est plus ancienne qu’on ne le croit.

La climatisation du futur?

On retrouve des sortes de wind towers en ancienne Egypte, datée autour de 1 300 ans avant JC. Aujourd’hui, des grands chantiers, notamment en Iran, les réintroduisent dans leurs projets architecturaux. Les wind towers redeviennent pertinentes.
Les matériaux utilisés pour leur construction sont économiques et durables ; le système de refroidissement ne nécessite pas de matière première et le vent est sa seule alimentation. 

Les wind towers seraient-elles la climatisation écologique du futur? Écologiques, durables, autonomes, orientables et modulables selon les vents pour plus d’optimisation, moins imposantes et plus esthétiques qu’une éolienne… C’est en tout cas une voie à explorer et à démocratiser.

Pour aller plus loin

http://www.inive.org/members_area/medias/pdf/Inive%5Cpalenc%5C2005%5CGhaemmaghami.pdf
Youtube

Les Monts Karkas et le Zoroastrisme

Dimanche 10 mars, quelque part entre Kashan et Ispahan…

Il fait chaud aujourd’hui. Notre guide nous a baladé toute la matinée, de villes souterraines en wind tower, de désert de sel en désert de sable. Bercées par le roulement de la voiture, à peine perturbées par les cahots que provoquent les trous béants de la chaussée, nous somnolons légèrement (je somnole légèrement). La route défile : à notre droite, le désert étend ses langues de sables et de rocs jusqu’à l’horizon ; à notre gauche, un massif montagneux suffisamment haut pour être enneigé surgit brusquement du sol, sans signe avant-coureur. Ce sont les Monts Karkas, qui s’étirent sur une centaine de kilomètres, et dont le plus haut sommet frôle les 3 900 mètres d’altitude.

Le désert de Maranjab

Notre guide, ravi de l’occasion de nous sortir de notre hébétude, ne laisse pas passer sa chance. Le nom des Monts Karkas est à chercher du côté de l’époque zoroastrisme de l’Iran. En effet l’Iran est un pays musulman depuis les conquêtes arabes du VIIe et VIIIe siècles après Jésus-Christ, qui marquent la fin de la dynastie Sassanide. Mais avant cela, le pays était zoroastrien.

Le zoroastrisme, qu’est-ce que c’est ?

Le zoroastrisme est une religion monothéiste millénaire, dont le dieu s’appelle Ahura Mazdâ et dont le texte sacré est l’Avesta. Vous avez sûrement déjà entendu le nom de son prophète : Zarathoustra, qui a inspiré pas mal de philosophes européens dont Nietzsche.

Dans le zoroastrisme, Ahura Mazdâ a ordonné le chaos initial et créé le ciel et la Terre. Son enseignement repose sur le combat entre la Lumière (représentée par l’esprit saint Spenta Mainyu) et les Ténèbres (incarnées par Angra Mainyu, un esprit mauvais jumeau de Spenta Mainyu) – combat qui a lieu en chaque être.

Les êtres humains ont une âme éternelle et un libre arbitre. Ils sont jugés à leur mort, et vont – selon leur sentence – au ciel ou au purgatoire (mais pas en Enfer).

Les zoroastriens vénèrent le feu, comme symbole divin, et l’on peut encore voir en Iran de nombreux temples du feu. La plupart de leurs règles impliquent de respecter la Nature, de ne pas souiller les quatre éléments (le feu, l’air, l’eau et la terre), de faire le bien et de ne pas mentir.

Le zoroastrisme aujourd’hui

Le zoroastrisme a été religion d’État en Perse sous le roi Hystapsès, sous les Achéménides (époque du premier empire perse, il y a environ 1 500 ans) et sous les Sassanides (qui s’effondrent devant la conquête arabe). Mais même après l’islamisation du pays, le zoroastrisme se maintient dans la culture iranienne et, de manière générale, en Asie centrale (et ses diasporas). On estime qu’il y a environ 200 000 zoroastriens aujourd’hui dans le monde.

Nowruz par exemple est à la base une fête zoroastrienne, ce qui explique que l’on retrouve parfois l’Avesta sur les tables des Haft Sin du nouvel an iranien.

Fun fact : Freddie Mercury, le chanteur de Queen, est né dans une famille zoroastrienne.

Mais alors quel rapport avec ces montagnes ?

On y vient.

Nous avons dit que les zoroastriens respectent la Nature. Pour ne pas la souiller avec la décomposition de leurs cadavres, ils emportent les corps dans des Tours du silence, dans les montagnes, à l’écart des villes. Dans la tour, l’âme des morts reste trois jours, avant d’être jugée et puis envoyée au ciel ou au purgatoire, en attendant la victoire définitive du dieu Ahura Mazdâ sur le Mal, et le paradis terrestre qui suivra cette victoire. On est donc assez proche de la résurrection chrétienne.

Ce qui nous intéresse ici ce sont les Tours du silence. Les anciens Iraniens, pour ne souiller ni la Terre, ni l’eau, ni le feu, exposaient les cadavres en haut des Tours du silence, et les offraient ainsi aux vautours. Or en farsi, vautour se dit… Karkas. Voilà, vous voyez que je ne me suis pas perdue dans mon explication !

Aujourd’hui ces funérailles célestes ne sont plus pratiquées en Iran (elles le sont encore en Inde notamment), mais des Tours du silence demeurent, notamment dans la chaîne de montagnes qui en a tiré son nom : les Monts Karkas.  

Notre guide en tout cas est reparti ravi : comment aurait-il pu deviner qu’en français, la carcasse est le repas des Karkas ?

Conduire en Iran

WTF Iran #1

6 Mars 2019 – 3h30 du matin

Vous voilà débarquée à Téhéran, fraîchement sortie de l’avion. Avant-hier, sur un coup de tête, suite à un fabuleux reportage Arte sur les mystères de la Perse, vous avez décidé de quitter votre job, votre appart, votre petit chat et vous avez pris le premier ticket low cost que vous avez trouvé. Sereine, vous avez choisi de faire le visa à l’aéroport pour gagner du temps en formalités.

7h30

Votre visa en main, vous êtes persuadée d’avoir quand même gagné un peu de temps par rapport aux procédures que vous auriez dû suivre en France. Sûre.

8h30

Vous avez manqué de peu le premier métro, il y a 25 minutes, mais le deuxième arrive déjà. La chance est décidément avec vous et vous sentez que l’Iran vous sourit.

9h30

Vous sortez du métro. C’était l’heure de pointe et vous et votre sac n’avez pas eu beaucoup de place sur les quelques dernières stations. Mais ca fait partie de l’expérience iranienne, et vous adorez ! Vous souriez doucement avec nostalgie en pensant à la ligne 13 du métro parisien.

9h43

L’hôtel avait beau être littéralement à la sortie du métro, il vous a fallut traverser une rue. Cela vous a pris 13 minutes exactement. Sans doute la fatigue et le décalage horaire (2h30 de plus que la France) vous ont fait légèrement délirer. Les feux de signalisation détraqués, la circulation indescriptible, les sens interdits en marche arrière, les demi-tours, tout cela sur 50 mètres devant vous, entre vous et l’hôtel ? Impossible ! Et les voitures ne peuvent pas toutes être blanches. Non.

Vous vous accordez 30 minutes de sieste avant de prendre la température de la ville. Vous y verrez plus clair dans une heure.

13h43

Cette petite demi-heure de sieste a certainement dû être salvatrice. Vous sortez.

13h44

Bon.
Le décalage horaire sans doute continue-t-il à se faire sentir ?

13h52

Vous avez traversé la rue ! Vous êtes fière ! Déterminée, vous marchez tranquillement, prête pour une nouvelle aventure.

13h59

Déjà une nouvelle aventure. Cette fois ce n’est plus une rue, mais un carrefour qu’il vous faut traverser. Vous observez les feux pour savoir quand sera votre tour, mais là aussi ils semblent détraqués. Ça clignote rouge, ça clignote orange, tout le monde passe de toute façon.

D’aventureux piétons commencent à slalomer entre les voitures. Vous arrêtez de respirer. Des fous ! Des têtes brûlées ! Il y a même un enfant en bas âge avec eux. C’est inhumain de risquer la vie d’un enfant comme ça !

15h

Vous voilà attablée à la terrasse d’un café. Vous avez raconté votre aventure à l’aimable serveur, un peu hipster, qui est venu prendre votre commande. Il rit doucement, mais vous sentez bien qu’il ne se moque pas. Il est gentil. Il vient s’assoir avec vous et entreprend de vous rassurer : vous n’êtes pas la première touriste interloquée par le système de circulation iranien. Il est gentil, il n’y a pas grand monde, vous décidez de le questionner un peu.

18h

Bon.
Vous avez tout compris.
Vous reprenez un thé pour vous remettre de vos émotions. La pratique attendra.

Vous restez dubitative sur les feux détraqués mais bon. A priori, lorsqu’ils clignotent orange, ça veut dire qu’il faut faire attention, mais que vous avez la priorité. S’ils clignotent rouge, c’est que vous n’avez pas la priorité, mais vous passez quand même, il faut faire doublement attention.

Vous supputez qu’il en va de même pour les feux clignotants en forme de bus, et vous êtes capable de concevoir un système où des feux en forme de flèches indiqueraient plus ou moins des priorités vers la droite ou la gauche.

Vous maîtrisez globalement les feux. De toute façon, vous n’avez pas prévu de conduire ici. Tout le monde sait que les gens conduisent particulièrement mal dans les capitales.

Là où votre cerveau n’est pas apte à comprendre, c’est pourquoi dépenser de l’argent pour tracer des lignes, alors que le concept de rester dans sa voie, que vous avez appris à l’auto-école, semble étranger aux Iraniens. Il vous semble même que chez vous, on ne double pas par la droite, qu’il y a une histoire de clignotant, de distance de sécurité aussi… « C’est une autre culture » comme dirait Numerobis.

Vous ne conduirez pas ici de toute façon.

En tant que piéton, pour traverser une rue, le serveur hipster vous a bien expliqué : les voitures sont prioritaires. Il faut avancer progressivement en attendant le moment propice. Ne pas se précipiter, ça fait peur aux conducteurs.

Être patient.
Confiant.
OK.

Il vous a conseillé de vous entraîner pas loin du café, là où la route fait 5 voies. Ses explications sont claires et vous êtes sûre de vous. Vous irez juste après le thé. La nuit sera juste tombée, les voitures feront beaucoup plus attention!

15 mars

Vous maîtrisez tellement bien la circulation aujourd’hui, plus rien ne vous étonne et vous ne retenez même plus votre respiration quand votre chauffeur est à 25 centimètres de la voiture de devant. Lorsque la voiture de derrière est à plus d’un mètre de la vôtre, vous vous dites que le conducteur doit être un enfant de 9 ans perché sur deux coussins qui apprend à conduire. Vous souriez avec tendresse en pensant aux ridicules règles de sécurité que vos 4 000 heures de conduite vous ont inculquées en France. Vous étiez bien naïve… Les distances de sécurité ? Pas besoin, ici, tout le monde est pilote. D’ailleurs vous n’avez pas vu le moindre accident (pour l’instant).

Quand une rue est en sens interdit, vous avez bien compris qu’on pouvait tout à fait la prendre en marche arrière. Oui, la voiture reste dans le bon sens !

Les feux ? Ce qui compte, c’est de bien s’arrêter quand le feu est rouge sans clignoter.

Rester dans sa voie ? A quoi ça sert ?

Vous vous amusez beaucoup des demi-tours que certains chauffeurs effectuent : il s’agit du fameux u-turn. C’est lorsqu’un petit parapet empêche le conducteur de franchir la voie – c’est-à-dire presque tout le temps. Il doit donc faire 5 kilomètres dans un sens, faire demi-tour, puis refaire en sens inverse les 4,35 kilomètres qui le séparent de la destination.

Vous n’avez même plus mal au cœur quand ça tourne ou que ça slalome entre les voitures !

Côté piétonnisation, vous êtes désormais détendue lorsqu’il faut traverser les routes à 6 voies ou les grands carrefours. Le serveur avait raison. Il faut être patient, tranquille, confiant.

Et puis c’est vrai que le blanc va bien aux voitures.

Vous maîtrisez la circulation iranienne.
Ou en tout cas vous la comprenez.

Mais vous n’avez pas prévu de conduire ici.

Nooshabad ou la légendaire cité souterraine

C’était un soir de printemps. Nowruz était passé depuis plusieurs semaines déjà, et la terre commençait à se réveiller. Un homme – appelons-le Ali Reza – creuse dans sa cour.

Nous sommes dans une région désertique de l’Ouest de l’Iran, dans une petite ville à 5 kilomètres de Kashan : Nooshabad. Un tremblement de terre est survenu quelques jours auparavant, endommageant bon nombre d’habitations, dont le puits qu’Ali Reza essaie maintenant de renforcer. C’était il y a 13 ans, et Ali Reza grommèle en creusant. Il n’aime pas les tremblements de terre, et encore moins creuser des puits. Comme un échos à ses imprécations contre la terre, trop peu meuble à son goût, le sol s’effondre soudain sous ses pieds, et Ali Reza tombe de plusieurs mètres.

En visitant la cité souterraine, on peut encore voir le trou qu’a fait « Ali Reza » en chutant depuis le puits qu’il creusait à la surface.

Pour que le lecteur puisse comprendre l’histoire, il nous faut ici raconter un épisode antérieur. Plusieurs années auparavant, encore jeune homme, Ali Reza s’est fait maudire par son grand-père. Il faut dire que le grand-père d’Ali Reza adore raconter des histoires, et encore plus des histoires invraisemblables. Sa préférée concerne une cité légendaire, enfouie sous terre depuis des siècles, à l’abris des hommes. Enfant, Ali Reza avait adoré cette histoire et, comme tout petit garçon qui se respecte, il avait joué des heures durant à faire revivre cette cité séculaire. Mais jeune adulte, si l’histoire demeurait jolie, elle n’en était pas moins une histoire pour enfant : elle ne le concernait plus. Il avait eu le malheur de le dire un peu frontalement à son grand-père, et s’était fait maudire dans les formes. C’est que son grand-père aimait les formes.

Toujours est-il qu’Ali Reza se repend soudainement de son incrédulité lorsque son dos heurte brutalement le sol d’un boyau, plusieurs mètres sous sa cour. Il n’y a qu’une malédiction pour expliquer qu’il se soit fait aussi mal sur une aussi courte chute.

Malgré sa douleur, Ali Reza passera plusieurs jours à explorer les tunnels qui s’enfoncent sous sa maison et s’étendent sous sa ville. Il sera rejoint dans son exploration par ses voisins, mais ils mettront beaucoup de temps avant de trouver les limites de ce dédale souterrain qui s’est brusquement dévoilé et qui s’étend sur environ 4 kilomètres.

Alors d’accord, cette histoire est un peu romancée – nous manquons de sources. Mais c’est comme cela qu’elle s’est déroulée dans les grandes lignes. Le lecteur peut nous croire sur parole : de un, nous ne mentons jamais, et de deux, la cité souterraine légendaire de Nooshabad (ou Oyi) existe bel et bien – nous l’avons visitée.

Aussi vaste que la ville qui la recouvre, elle est bâtie sur trois étages et s’enfonce jusqu’à 18 mètres de profondeur. Construite à l’époque sassanide, il y a 1 500 ans, elle est à l’origine conçue pour se cacher des envahisseurs. Pour cela, elle communique avec chacune des habitations, grâce à un tunnel creusé sous le four de chaque maison. D’autres entrées publiques sont disséminées dans la ville et son fort, suffisamment bien dissimulées pour que la cité cachée n’ai jamais été découverte.

L’arrivée d’un des puits d’air. Dans cette salle, l’air est moins humide et moins lourd grâce à l’arrivée d’air depuis la surface.

Complètement autonome, la ville souterraine possède deux puits d’air par étage, l’un de 11 mètres de profondeur et l’autre de 5 mètres, afin que le différentiel de pression assure une bonne circulation de l’air. En plus des nombreuses chambres qui accueillent les familles en cas de raid, des salles sont dédiées aux réserves d’eau et de nourriture, quand d’autres abritent des toilettes. Pour la lumière, on brûle des mélange de graisse et d’eau, ce qui permet de dégager moins de fumée. Enfin, pour assurer la protection de la ville souterraine, de nombreux pièges sont mis en place : les couloirs sont incurvés pour décourager l’ennemi de voir autre chose qu’un trou, des recoins sombres sont aménagés pour placer des gardes cachés, des gouffres surgissent de nulle part dans les salles… Bref, les habitants ne manquent pas d’imagination.

Un piège destiné aux potentiels envahisseurs qui seraient parvenus à découvrir la cité. Il s’agit tout simplement d’une entrée au dessus de laquelle un soldat se cache (dans le renfoncement sombre en haut de la photo), en position de force pour atteindre l’adversaire qui ne le voit pas.

Au cours du temps, alors que les dangers se font plus rares mais la chaleur toujours écrasante en été – nous vous rappelons que nous sommes dans un désert – la ville change de vocation et sert progressivement de résidence secondaire, pour se protéger de ladite chaleur. Ce second usage étant beaucoup moins crucial pour la survie des habitants, ceux-ci s’en détournent insensiblement.

Mais un jour, un tremblement de terre détruit la ville extérieure. Il faudra dix ans à ses habitants pour la reconstruire et – occupés à la surface – pour oublier le dédale souterrain, dont la plupart des tunnels d’accès ont été ensevelis. C’est ainsi que la ville cachée de Nooshabad entra doucement dans la légende, se contentant pendant des siècles de n’exister qu’au travers des récits et des malédictions des grands-pères.

PS : Merci au vrai Ali Reza pour toutes ses explications. Si jamais vous voulez visiter les alentours de Kashan avec lui, n’hésitez pas à lui envoyer un message. Vous trouverez ses coordonnées ici (page en construction).

Petit guide pratique de survie pour Nowruz

Mardi 19 mars, dans la banlieue de Shiraz…

Nous sommes, ce mardi 19 mars 2019, à Shiraz, dans le sud de l’Iran. C’est le soir, le printemps n’a pas encore commencé, et il pourrait faire frais si des centaines de feux sauvages n’avaient pas été allumés dans les rues. Mais pour l’heure, occupées que nous sommes à sauter par-dessus lesdits feux sans brûler notre tunique ni nos foulards, et à tenter d’accorder notre pas de danse sur nos voisins, nous sommes très loin d’avoir froid. Un peu plus tard, assises en tailleur sur un tapis posé à même le bitume – un Iranien sans tapis n’est pas un vrai Iranien – autour d’une chicha au goût non identifié (chewing gum ? hôpital ?), nous assistons à un lancer de lanterne. Raiponce en Iran. Et sur un tapis.

Cette soirée était géniale… et complètement incongrue. Elle vient après une semaine de galères, à chercher des bus et des guesthouses disponibles. A chaque fois, notre interlocuteur nous regarde gravement et nous explique l’air légèrement étonné de notre ignorance : « C’est Nowruz ». Et puis, l’air prévenant, il ajoute : « Ce sera comme ça pendant les deux prochaines semaines ». Certes…

Nous savions bien que l’on vivrait le nouvel an iranien – aussi appelé Nowruz -, mais nous n’avions pas pris la mesure de ce que cela impliquait. Parce qu’on est sympas, et que vous vous retrouverez peut-être un jour, vous aussi, en plein Nowruz, voici un petit guide pratique du Nowruz réussi.

La fête de Nowruz (Now, Nouveau, et Ruz, Jour) est la plus importante des fêtes iraniennes. Elle a lieu à l’équinoxe du printemps, et marque à la fois le début du printemps et le nouvel an du calendrier iranien. Pour l’occasion, le gouvernement accorde 4 jours fériés mais, comme elle tombe au début de vacances scolaires, Nowruz (qui techniquement dure 13 jours) correspond en fait à 2 semaines de vacances en famille pour les Iraniens.

Nowruz est une fête qui remonte au zoroastrisme, et elle est célébrée (avec quelques variantes régionales) en Asie centrale depuis plus de 3 000 ans. Aujourd’hui encore, plus de 300 millions de personnes, réparties sur plus de 10 pays, en accomplissent les rites chaque année – au point que l’UNESCO l’a inscrite sur la liste du patrimoine culturel de l’humanité au nom de 12 pays, dont l’Iran. Évidemment, nous n’avions pas réalisé l’ampleur de la chose.

Nowruz ne s’improvise pas. On commence par un grand nettoyage de printemps, et l’on s’achète de nouveaux vêtements et des fleurs. Il faut ensuite faire provision de fruits, de pâtisseries et de thé, puis dresser la table des Haft Sin.

Les Haft Sin

Les Haft Sin corresponde à sept (haft) objets commençant en farsi par la lettre s (sin). Ces sept objets correspondent aux sept créations de l’Iran antique (la terre, les eaux, le ciel, le feu, les plantes, les animaux, et enfin les êtres humains) et aux sept immortels zoroastriens qui les protègent.

S’il n’y a pas de liste officielle, les mots commençant par s ne sont pas si nombreux, et l’on retrouve souvent les même éléments :

  • Des somaq, ou baies de sumac, dont la couleur rappelle le lever du soleil
  • Du sîr, ou ail, pour la santé
  • Des sîb, ou pommes, pour la bonne santé mais également pour la beauté
  • Le serkeh, ou vinaigre pour l’âge et la patience
  • Le sonbol, ou la jacinthe, qui représente l’arrivée du printemps
  • Des sekkeh, ou pièces pour la prospérité
  • Des sabzeh, ou pousses de blé (parfois d’orge ou lentille) qui symbolisent la renaissance
  • Du samanu, une pâte très sucrée faite de blé germé et qui symbolise l’abondance
  • Du senjed, le fruit de l’olivier de Bohême, aussi appelé arbre du paradis, qui représente l’amour

On peut également trouver sur ces table des bougies allumées pour le bonheur, un miroir pour le reflet de la vie, des pâtisseries, des œufs peints pour la fertilité, de l’eau de rose, un drapeau iranien, un livre (souvent le Coran, mais parfois l’Avesta ou encore un livre de poésie)…

On y trouve également presque toujours des poissons rouges dans un bocal, symbole de vie probablement hérité de Chine.

Voici par exemple les Haft Sin de notre guesthouse de Yazd.

Vous pouvez y voir des pommes, des poissons rouges, un miroir, une bougie, une jacinthe, de l’ail, des pièces d’or, des germes de blés, un Coran, des baies de sumac, etc.

Un autre exemple des Haft Sin, cette fois dans un café de Tabriz qui fait d’excellents cappuccinos !

Les possibilités sont donc nombreuses et chaque famille compose sa table avec la plus grande attention : non seulement elle sera jugée dessus pendant les 13 jours que dure Nowruz, mais de sa table des Haft Sîn dépend le déroulement de la nouvelle année.

Chaharshanbeh Suri ou la fête du feu

La fête du feu est célébrée par les Iraniens depuis au moins 1 700 ans avant JC. Littéralement, c’est la fête du dernier mercredi de l’année (Chaharshanbeh signifie mercredi et Suri fête), mais on la fête en fait (attention jeux de mot) la veille du dernier mercredi, soit le dernier mardi soir de l’année iranienne.

Les familles sortent à la nuit tombée et se réunissent pour allumer des feux dans les rues, danser et lancer des feux d’artifices. Il faut alors sauter au-dessus du feu en prononçant une phrase rituelle que nous n’avons jamais réussi à répéter correctement mais qui signifie en théorie « mon jaune pour toi et ton rouge pour moi », c’est-à-dire qu’on donne au feu sa maladie (son jaune) et qu’on lui prends sa force (son rouge).

Selon les régions, ils y a plein d’autres rites à respecter, comme jeter depuis son toit une cruche non utilisée pendant l’année ou sauter plusieurs fois dans des sources. Nous nous sommes quant à nous contentées de fumer une chicha en regardant des enfants de 5 ans toucher le feu avec beaucoup de conviction, sans se laisser décourager par les brûlures, ou tenter de tuer quelqu’un en lançant des pétards au hasard. Une très bonne soirée en somme.

Nowruz

Nowruz à proprement dit est donc le premier jour de l’année iranienne. Il est alors impératif d’être en famille. Tout le monde se réunit autour de la table des Haft Sin, vêtu de ses nouveaux vêtements, et on échange des cadeaux.

On va ensuite rentre visite à ses anciens, puis au reste de sa famille, puis à ses amis et voisins. Cela représente évidemment beaucoup de monde, et les visites s’étalent sur les 11 jours suivant.

Même si l’on ne reste à chaque fois que 30 minutes à une heure, il est de bon ton de manger et de prendre une tasse de thé – vous voyez où passent les provisions de fruits, de pâtisseries et de thé. A la troisième visite de la soirée nous avions rencontré la moitié du village et fait une overdose de sucre.

Sizdah Bedar, ou le 13e jour

Nowrus dure 13 jours, et le dernier jour s’appelle Sizdah Bedar, littéralement « le treizième dehors ». Ce jour-là, toutes les familles sortent pique-niquer dehors, et en profitent pour jeter à l’eau le sabzeh (les germes cultivés depuis le nouvel an), qui contient la maladie et la malchance de la maison.

C’est officiellement la fin de Nowruz, et vous avez maintenant un an pour vous remettre des quantités astronomiques de pâtisseries ingurgitées pendant ces deux semaines 😉

PS : il faut sauver les poissons rouges

Près de 5 millions de poissons rouges meurent chaque année à Nowruz, soit dans leur bocal, soit parce qu’ils sont relâchés dans les rivières et les étangs. Ce phénomène a atteint une ampleur telle que de nombreuses associations militent désormais pour un Nowruz sans poissons, ou du moins sans poissons vivants.

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